Et si la blessure physique était nécessaire pour passer un cap ?

Laetitia Roux

Une reprise compliquée, les premiers signes

Septembre & octobre 2015 Après 2 longs mois rythmés d’une manière plutôt forcée par les mots récupération et repos, Olivier, mon entraîneur, acceptait tout juste de reprendre le chemin des entraînements un peu plus structurés. Mon moral, qui n’est jamais au plus haut durant des périodes de questionnements comme celle-là, remontait alors en force, comme s’il dépendait directement de l’intensité de mes efforts physiques. Mais il y eut cette douleur à la cheville gauche…

Laetitia Roux sur la Haute Route des Alpes

Sur la Haute Route des Alpes…

Pour nous remettre dans le contexte, après ma saison de ski 2015, j’avais passé un printemps très intense. Je fus trop fatiguée durant tout l’été pour pouvoir m’entraîner. J’ai malgré tout pu apprécier à la fin du mois d’août, la Haute Route des Alpes, la course de cyclisme amateur à étapes la plus dure au monde. Cela faisait quatre ans que je tentais d’en venir à bout.

Pour faire suite à cette échéance, mon entraîneur était persuadé qu’une période de récupération physique et mentale était primordiale. Tellement nécessaire qu’elle dura deux mois. Deux mois à tempérer mes impatiences, et mes ardeurs, par des séances de récupération et quelques séances de musculation et de vitesse, mais rien de bien violent. L’énergie ne semblait pas vouloir remonter suffisamment pour que je puisse reprendre les entraînements intenses habituels des années précédentes. Et bizarrement, cela s’exprimait par une attitude d’hyperactivité. J’étais frustrée et tendue de ne pas m’entraîner. Le sport est vraiment addictif ! La première étape était de retrouver le relâchement et la sérénité. C’est seulement fin octobre que mon organisme nous semblait prêt à accepter un entraînement plus spécifique. Mais pas du tout ! Avant même d’avoir pu prendre mon envol, cette douleur à la cheville gauche me coupa les ailes !

Le diagnostic

6 novembre 2015Le diagnostic fut violent : Fracture de contraintes du calcanéum ! En d’autres mots, fracture de fatigue au niveau du talon. Ce fut comme un coup de massue derrière la tête! Comment pourrais je revenir au niveau à temps, alors que nous étions déjà début novembre et que je n’avais pas pu m’entraîner de tout l’automne, voir même pas m’entraîner sérieusement depuis la fin de la saison passée !

Nous étions alors le 6 novembre. Les indications étaient rapides : un minimum de quarante-cinq jours de repos était incontournable. Quarante-cinq jours qui se transformèrent finalement en soixante jours.

Laetitia Roux - Fracture de contraintes du calcanéum

Ma fracture de contraintes du calcanéum

Laetitia Roux - Fracture de contraintes du calcanéum

La convalescence

Novembre & décembre 2015 – Les deux premières semaines de ma période de convalescence furent interminables. Je subissais la blessure, incapable de lâcher prise! Malgré le repos physique, je dépensais plus d’énergie mentalement à m’accrocher aux objectifs que je m’étais fixés, que je n’aurais pu en dépenser à m’entraîner.

Impossible même de m’intéresser à d’autres occupations, comme si l’incapacité  de faire de l’activité physique m’avait privée de ma motivation et de ma joie de vivre. J’ai pu par la suite combler un vide avec la musculation du haut du corps, que je consommais en excès comme j’aurais pu prendre une drogue dure pour apaiser mon esprit et oublier mes inquiétudes. Pendant un mois, ce fut ainsi. La salle de musculation était devenue mon repère. Ça m’apaisait de faire travailler mes muscles, mais mon humeur ressemblait aux montagnes russes !

Cadeau d

LE KIT de consolidation, source de calcium. Cadeau d’un ami yogi attentionné 😉 // Crème de sésame noire, bourgeon de ronce en teinture mère et silicium organique d’ortie

Le physique est nécessaire, le mental indispensable

Un jour, j’avais une motivation à déplacer les montagnes, j’envisageais toutes les stratégies d’entraînement possibles, en allant même jusqu’à l’aqua-bike ! Et quelques heures plus tard, je pouvais me retrouver en larmes sans comprendre réellement pourquoi. Mon corps me parlait, mais j’étais incapable de comprendre la signification de ces messages pourtant très violents. J’avais une capacité incroyable à basculer de la positive attitude vers le bout du rouleau comme on dit, et vis versa! J’avais la sensation que mon corps me traînait de plus en plus difficilement à la salle de gym, chez des amis, sur des évènements… d’un côté puis de l’autre pour éviter de me perdre complètement.

La prise de conscience

En effet, cette stratégie a fonctionné pendant un mois, puis il y a eu ce jour où mon mental a dit stop !

Il a été plus fort que mon corps. Je suis arrivée devant la salle de musculation, mais impossible de rentrer. Ce fut l’électrochoc, la prise de conscience, c’est peut-être ça de toucher le fond ! J’avais besoin de parler! J’ai beaucoup discuté avec mes amis Nico et Alex, du team organicoach, chez qui j’étais venue chercher du réconfort. Puis j’ai contacté Carmen, cette fille qu’un ami m’avait longuement conseillée, qui fait du coaching mental. Tout est allé très vite. Suite à mon appel téléphonique, je suis partie faire un tour de vélo avec les membres du team, comme nous l’avions prévu la veille, et le lendemain je me suis levée avec une vision différente. Je me souviens d’ailleurs avoir mis le réveil tôt le matin pour avoir le temps de monter en voiture (étant donné que je n’avais toujours pas le droit de marcher) jusqu’au sommet de la montagne, pour contempler le lever du soleil. C’est un moment que j’apprécie particulièrement et que je ne m’étais plus offert depuis bien longtemps. C’était un peu le symbole d’un nouveau départ. Autour de Digne-les-Bains, il n’y avait pas de neige, mais de là haut je pouvais percevoir au loin des sommets enneigés. Ils semblaient si loin! Aussi loin que la distance qu’il me restait à parcourir avant de pouvoir reprendre un départ de coupe du monde.

Laetitia Roux - Violent la grimpe sur un pied

Violent la grimpe sur un pied ! 😉

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Le fameux lever de soleil

Désormais, je devais comprendre ce que mon cœur me dictait. Ça peut vous paraitre surprenant, mais le mois qui s’était écoulé, je ne faisais plus les choses par plaisir, mais par automatismes, sans même m’en rendre compte, prisonnière d’un stress et d’une peur causés par la blessure. Je me sentais maintenant plus légère, simplement car j’étais capable de différencier ce qui me procurait à ce moment présent du bonheur et du plaisir, de ce que je faisais dans le but d’atteindre des objectifs sportifs qui n’étaient plus d’actualité! J’avais enfin déposé ce poids qui m’écrasait depuis 1mois. J’avais lâché la branche à laquelle je m’agrippais involontairement et qui m’empêchait d’avancer. 

L’évolution, le changement, l’acceptation

Ce qui est important avant tout c’est d’être en alignement avec soi-même, avec ses valeurs et ses croyances. Ça parait évident, mais ça n’est pas si facile que ça à comprendre, à sentir et à trouver. Posez-vous la question : est-ce-que vous avez la sensation de vivre chaque moment de vie comme un moment de bonheur ? C’est un gros travail personnel que j’avais entrepris il y a déjà longtemps, la préparation mentale ne consiste pas seulement à visualiser la course ou chercher à mieux appréhender le stress, c’est aussi par l’épanouissement personnel qu’on réussi mieux, et comme dans l’entraînement, il y a des déclics à certains moments. Je pense que tout ce qui nous arrive est là pour nous faire progresser. La blessure m’a mise dans une situation difficile qui m’a forcée à prendre du recul et prendre conscience de beaucoup de choses. C’est comme si je m’étais arrêtée de courir en regardant mes pieds, et que j’avais pris le temps de lever la tête et respirer pour voir où je m’étais rendue. En quelque sorte, je m’étais perdue et j’avais besoin de m’arrêter pour reprendre des repères.

Laetitia Roux - Une temps de repos... avec ma maman !

Une temps de repos… avec ma maman !

La reconstruction

C’est à partir de ce moment-là que j’ai eu la sensation de me reconstruire et de progresser à nouveau, même si je ne pouvais pas faire grand-chose de plus au niveau de l’entraînement physique. J’étais davantage à l’écoute de mes sensations et de mes émotions. J’avais replacé au premier plan ce qui était vraiment important pour moi. Retrouver le plaisir sur les skis et dans mes entraînements, revenir progressivement sur le circuit de la coupe du monde pour donner le meilleur de moi même, et partager ces moments avec les personnes qui me soutiennent, mes amis, ma famille et les autres coureurs. La victoire était passée au second plan.

Aujourd’hui en regardant derrière, je me dis qu’en effet la blessure m’a aidée en me rappelant qu’il est important de rester connecté avec soi-même pour atteindre ses objectifs et être heureux. Lorsqu’on est “aligné” avec soi-même, ce que l’on désire se réalise naturellement. Malgré le manque d’entraînement et un début de saison chaotique, j’ai remporté le classement général de la coupe du monde individuelle et de sprint, je suis en tête du classement général de la coupe du monde toutes catégories confondues et j’ai retrouvé la joie de vivre qui anime ma vie de sportive…

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